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Extraits avec l'autorisation de l'éditeur

PROFIL
Chantal Kagwenyonga (Seminega)

  • Survivante tutsi

  • Épouse de Tharcisse

  • Mère de cinq enfants

  • Issue d'une lignée familiale royale

  • Ancienne religieuse catholique

Chantal est née au Rwanda. Elle grandit dans une famille très unie à une époque où la vie est simple. Sa famille est apparentée à la dynastie royale tutsi d'Abahindiro. Elle est la cadette, la seule fille parmi six enfants. La petite enfance de Chantal est tranquille. Des amis hutus et tutsis de son village jouent ensemble.

 

LA VIE CHANGE RADICALEMENT

La vie change radicalement quand Chantal a dix ans. Les bouleversements politiques et les tensions ethniques font des familles de la lignée royale la cible privilégiée de harcèlement et de persécution. La maison de sa famille est détruite, leurs vaches sont tuées et leurs biens pillés. Ils doivent fuir pour sauver leur vie, sans eau ni nourriture et vivant dans la peur. Le père et les oncles de Chantal sont emprisonnés sous de fausses accusations et ses frères fuient dans d'autres pays. Après plus de deux ans, le reste de la famille peut rentrer chez eux pour découvrir que leurs biens ont été confisqués.

De RELIGIEUSE à épouse et mère

Chantal grandit dans une famille très enracinée dans la religion catholique qui comprend plusieurs prêtres et religieuses. Avec le temps, elle-même devient religieuse, et poursuit des études théologiques à Rome. Au bout de huit ans, Chantal décide de mettre fin à sa carrière de religieuse et de retourner au Rwanda.

À 29 ans, Chantal épouse Tharcisse et ils s’installent à Butare. Au cours des huit années suivantes, ils accueillent cinq enfants. Ils passent la plupart de cette période en France, où ils connaissent une vie paisible pendant que Tharcisse obtient son doctorat. Chantal hésite à retourner au Rwanda en raison des tensions politiques et ethniques croissantes, et pourtant la famille y revient en 1988.

La discrimination devient l'extermination

Bien qu'ils soient victimes de discrimination et de persécution, Chantal et Tharcisse mènent une vie relativement tranquille. Puis, deux missiles abattent l'avion qui transportent les présidents du Rwanda et du Burundi le 6 avril 1994, événement qui déclenche des massacres de Tutsi.

Le 21 avril, Chantal et les enfants sont fous d’inquiétude lorsque Tharcisse s'absente de la maison pendant neuf heures. À son retour, Chantal écoute avec horreur son mari raconter tout ce qu'il a vu ce jour-là. S'attendant à être tuée, la famille se réunit alors dans le salon pour dire une prière.

Les larmes dans son cœur

Tout d’un coup, quelqu’un frappe à la porte. Quand le visiteur se révèle être Adolphe, un ami de la famille, Chantal fait sortir les enfants de leurs cachettes. En désespoir de cause, elle demande à Adolphe ce qu'ils doivent faire. Il leur demande de quitter leur maison en deux groupes ; il emmènera avec lui deux des enfants. Chantal panique. Parce que la milice est à deux pas de la maison, elle estime que partir facilitera le travail des tueurs. Le cœur battant à tout rompre, elle suit Tharcisse dans la brousse. Dans sa hâte, elle oublie ses lunettes.

Ce soir-là, alors que leur ami Justin conduit la famille chez lui, Tharcisse est retenu à un barrage routier et une machette est tenue à sa gorge. Justin fait signe à Chantal de continuer d’avancer avec les enfants. Des larmes dans son cœur, elle se demande si elle reverra un jour son mari. Heureusement, plus tard dans la soirée, ils sont de nouveau réunis. Ils se retrouvent tous finalement dans une cabane à chèvres en terre où ils se cachent pendant plus d'un mois. Chantal souffre car elle se sent impuissante en voyant ses fils atteints d’asthme à cause des conditions insalubres et du traumatisme qu'ils subissent.

L'anxiété et le désespoir

Pour se déplacer à leur dernière cachette, la famille doit à nouveau se séparer. Chantal et son fils cadet, Benjamin, sont cachés dans la maison d'une femme dont le mari est un partisan du Hutu Power. Chantal se sent terrifiée à cause de son comportement agressif. Elle pense qu'il va la violer ou les tuer. Des dispositions sont rapidement prises pour que Jean-Damascène vienne les chercher.

Chantal n'a guère bougé depuis des semaines. Maintenant, elle doit marcher pieds nus sur des chemins boueux, sous la pluie et dans l'obscurité, pendant quatre heures et demie. De plus, elle doit porter Benjamin, âgé de sept ans, sur le dos. En marchant, ils rencontrent un homme qui accuse Jean-Damascène d'aider Chantal et son fils à s'échapper. Elle tremble alors que Jean-Damascène tente de diverses manières de convaincre l'homme de les laisser partir et, en fin de compte, il cède à ses demandes. Chantal est profondément émue par le courage et l'abnégation de cet homme hutu qui met sa vie en danger pour les sauver, elle et son fils.

Chantal n'oubliera jamais les deux semaines qu'ils passent cachés dans la maison de Jean-Damascène et sa femme. Elle est profondément inquiète en ignorant ce qui se passe avec le reste de sa famille. Chantal donne souvent sa petite portion de nourriture à Benjamin, qui a toujours faim et montre des signes d’inanition. Voir son fils souffrir simplement parce qu'il est Tutsi la rend désespérée.

Enfin, elle est réunie avec sa famille dans la pièce souterraine. Elle s’inquiète beaucoup du manque de nourriture et de la détérioration de la santé de ses enfants et de son mari et elle passe de nombreuses nuits sans sommeil. Benjamin devient si faible que Chantal doit mâcher des fèves de soja rôties et le nourrir comme un oisillon.

La vie ne sera plus jamais la même

Pendant son séjour au camp de survivants à Shyanda, et au cours des années suivantes, Chantal continue à garder l’espoir que ses proches et ses amis ont pu survivre. Au lieu de cela, son cœur est brisé à plusieurs reprises en apprenant que la plupart des membres de sa famille ont été assassinés. Chantal est profondément blessée au cœur par la perte de ses deux frères, ainsi que ses oncles, tantes, nièces et neveux. Plus de 120 de ses proches et de ceux de son mari sont enterrés dans des fosses communes. Chantal ne comprend toujours pas la raison pour laquelle ils sont morts. Elle se demande si les cicatrices dans son cœur guériront un jour.

En tant que survivante du génocide, elle continue de souffrir d'anxiété et d'insécurité. Lorsque son mari ou ses enfants sortent, surtout la nuit, elle a peur qu'il leur arrive quelque chose de mal. Elle craint de marcher dans un parc, imaginant qu'un ennemi puisse sauter des arbres et lui faire du mal. Elle craint que ce qui leur est arrivé, à elle et à sa famille, ne se reproduise.

En mars 2003, Chantal et la plupart des membres de la famille Seminega ont immigré au Canada où ils résident maintenant.

Aujourd'hui, elle et son mari donnent volontairement de leur temps pour partager les leçons qu'ils ont apprises en vivant l'une des périodes les plus sombres de l'histoire. Chantal comprend la lutte qu’elle doit mener pour surmonter l'amertume et le désespoir et l'importance de résister à un esprit de vengeance. Elle a vu de ses propres yeux à quel point les humains peuvent être facilement influencés. Elle pense que tout le monde doit se renseigner sur la façon d'entraîner sa conscience à distinguer le bien du mal, puis à faire ce qui est juste.

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