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Extraits avec l'autorisation de l'éditeur

PROFIL
Tharcisse Seminega

  • Survivant tutsi

  • Époux de Chantal

  • Père de cinq enfants

  • A étudié pour la prêtrise

  • Professeur

  • Auteur du livre « L’Amour qui Enraya la Haine : comment ma famille survécut au génocide au Rwanda »

Tharcisse est né en 1941 à Kabirizi, au Rwanda. La vie est alors simple. Les gens vivent dans des huttes, de petits villages sans électricité, ni téléphone, ni routes goudronnées, ni eau courante. Tharcisse se souvient de son enfance comme d'une époque paisible. Il est élevé par ses grands-parents qui le chérissent, et il aime apprendre d'eux. Hutu et Tutsi s'entendent et ils font tout ensemble.

Un changement aprÈs l'autre

À 14 ans, Tharcisse quitte son village pour aller dans un pensionnat en vue de se préparer à la prêtrise. Après 15 ans d'études, il abandonne cet objectif en raison de la discrimination ethnique généralisée qu'il vit au séminaire.

À l'âge de 30 ans, Tharcisse commence les études de biologie à l’université de Kisangani au Congo, et trois ans plus tard il va en Italie pendant plus de quatre ans pour obtenir son baccalauréat en sciences biologiques. Il prévoit d'aller aux Pays-Bas pour poursuivre ses études doctorales. Mais d'abord, il rentre au Rwanda pour rendre visite à sa famille et ses amis. À son arrivée là-bas, les autorités lui confisquent son passeport et sa bourse. En un instant, il est privé de ses projets d'avenir pour le simple fait d’être Tutsi. Il se sent confus, trahi et fâché d'être désormais prisonnier dans son propre pays.

Néanmoins, Tharcisse tire le meilleur parti de sa situation. Il suit la seule option que lui laissent les autorités et commence à enseigner à l'Université Nationale du Rwanda à Butare. Un an plus tard, en 1978, il épouse Chantal et ils s’installent à Butare. Ils accueillent leurs deux premiers enfants au cours des trois années suivantes. Tharcisse fait un autre changement en 1983 lorsqu'il devient Témoin de Jéhovah. Cette même année, de façon inattendue, Tharcisse reçoit une bourse pour poursuivre son doctorat en France. Il ne sera autorisé à partir qu’à la seule condition qu’il promette de revenir au Rwanda et d'enseigner pendant cinq ans à la fin de ses études. Avant la fin de leur séjour en France, la famille s'agrandit de cinq enfants. En 1988, Tharcisse ramène sa famille au Rwanda parce qu'il ne veut pas trahir sa promesse.

Les Seminega se réinstallent à Butare et Tharcisse reprend son poste d'enseignant à l'Université Nationale du Rwanda. Une fois de plus, il est injustement maltraité. Au début, la famille habite dans une maison sans eau courante ni toilettes à l'intérieur. Ce n’est qu’après plusieurs mois que l'université leur assigne finalement une résidence. Contrairement aux belles maisons que reçoivent les professeurs hutus, la leur est à peine terminée et située parmi les décombres et les broussailles épineuses. C'est le prix à payer pour être Tutsi.

Le cauchemar commence

Lorsque l'avion qui transporte les présidents du Rwanda et du Burundi est abattu le 6 avril 1994, la haine envers les Tutsis devient mortelle. Chaque jour, Tharcisse prend de plus en plus conscience de la situation périlleuse dans laquelle lui et sa famille se trouvent.

Les jours suivants, Tharcisse cherche une manière de protéger sa famille. Il cherche à fuir vers le Burundi. Il supplie Médecins Sans Frontières, sans succès, de cacher sa famille ou de l'aider à s'échapper. Il n'y a aucune issue.

Le matin du 21 avril, Bernard, un collègue professeur de l'Université nationale du Rwanda, se présente au domicile des Seminega. Il insiste pour que Tharcisse se rende au centre-ville dans le but d’obtenir un permis afin que la nounou tutsi, laissée à son domicile par l’un de ses amis Témoins de Jéhovah, puisse rester avec eux. Ignorant ses mauvaises intentions, Tharcisse part avec lui. C’est le chaos dans les rues. Il voit des Tutsi capturés, poussés dans des véhicules et emmenés dans les bois. Après de nombreuses heures où il est retenu loin de sa maison, il se rend compte que Bernard n’est pas digne de confiance. Tharcisse prend conscience que lui et sa famille seront tués ce jour même et il veut désespérément rentrer chez lui. Il supplie Bernard de le ramener chez lui et il est finalement déposé à six heures du soir.

Le cœur lourd, Tharcisse raconte à Chantal les atrocités qu'il a vues. Il se sent impuissant et lui dit qu'ils doivent s'attendre à mourir. En désespoir de cause, il tente de nouveau de protéger sa famille en la cachant dans la maison d'un voisin hutu. Mais le domestique menace de les tuer. Complètement paniqué, il remet en cause plusieurs de ses décisions passées. Il sait qu'il ne peut rien faire d'autre que de rassembler sa famille dans le salon et de prononcer une prière.

CachÉS par ceux qui les aidaient–POURChassÉS par les tueurs

Quelques minutes plus tard, Adolphe, l'ami de confiance de Tharcisse, frappe à la porte. Tharcisse suit le plan d'Adolphe de quitter immédiatement leur maison. Pour augmenter leurs chances de survie, il permet à deux de ses plus jeunes enfants d'accompagner Adolphe chez lui. Il n'est pas sûr que le plan réussira, mais ils n'ont pas d'autre choix. Tharcisse ouvert toute grande la porte, il est suivi de près par sa famille, et ils se précipitent tous dans la vallée vers la maison de l'ami d'Adolphe, Évariste.

Cette nuit-là, Justin, l’ami proche de Tharcisse, vient pour les amener chez lui. À un barrage routier, un gardien de nuit reconnait Tharcisse, l'attrape soudainement et pointe une machette sur sa gorge. Les enfants hurlent. Tharcisse reste figé en regardant sa femme et ses enfants s'éloigner en toute hâte conformément à ses instructions. En fin de compte, Tharcisse peut sortir indemne après avoir donné au gardien un don en espèces.

Le lendemain, Tharcisse apprend que Bernard est retourné chez lui 30 à 40 minutes seulement après la fuite de la famille. Il est venu accompagné d’une camionnette remplie de soldats armés. Ils ont fait irruption dans la maison à la recherche de la famille et ont tiré des coups de feu. La famille a échappé de justesse à la mort.

Le lendemain, Vincent, un homme que Tharcisse ne connaît pas, prévient Meggy, l’épouse de Justin, que les miliciens sont en route vers chez lui ayant appris que les Seminega se cachent là. La famille doit donc s'échapper dans la broussaille derrière la maison de Justin sous une pluie battante. Ce soir-là, les miliciens font irruption au domicile de Justin à la recherche de la famille Seminega. Depuis la broussaille, ils peuvent entendre des cris et Tharcisse sait que son ami Justin risque de se faire tuer pour les aider. Ils peuvent également entendre les cris angoissés d'autres familles qui sont traînées hors de leurs maisons.

Vincent vient au milieu de la nuit pour les conduire à sa cabane à chèvres où la famille pourra se cacher. Après une semaine d’inquiétude au sujet de leurs petits, Tharcisse envoie un message à Adolphe pour amener Benjamin et Naomi afin que la famille puisse se retrouver ensemble. Au cours du mois suivant, Tharcisse en vient à considérer Vincent comme un véritable ami. Son cœur est plein de reconnaissance envers cet homme qui met constamment sa vie en danger pour les cacher et subvenir aux besoins de la famille.

Lorsqu'ils doivent quitter la cabane à chèvres, Jean de Dieu, un collègue apiculteur et ami proche, propose volontiers de les cacher dans sa minuscule pièce souterraine. Tharcisse et sa famille lient rapidement des amitiés avec les trois autres Tutsi qui s'y cachent déjà. Ils s’encouragent les uns les autres par des paroles et des prières réconfortantes. Tharcisse apprécie les efforts de Jean de Dieu et les façons créatives dont ce gentil célibataire s'occupe de dix personnes sans attirer l'attention.

Sortant de " la tombe "

Vincent vient chez Jean de Dieu après que l'armée rebelle tutsi du FPR prend le contrôle de la région et il encourage Tharcisse à leur écrire une note. Les mains tremblantes, Tharcisse gribouille quelques phrases pour expliquer qui ils sont et où ils se cachent. La famille a très peur de sortir au grand jour, mais lorsque les soldats arrivent pour les secourir, leur soulagement est indescriptible. Après plus de deux mois dans le noir en silence, leur peau est pâle ; ils sont aveuglés par la lumière du soleil et n’ont plus la capacité de parler à haute voix.

Larmes de joie–Larmes de chagrin

Pendant que Tharcisse marche avec sa famille vers le camp des survivants de Shyanda, ils sont confrontés partout où ils regardent par la mort et la destruction. La joie de Tharcisse d'avoir survécu avec sa femme et ses enfants est éclipsée lorsqu’ils prennent conscience que tant de leurs proches ont été assassinés. Ils apprennent finalement que plus de 120 de leurs proches ont perdu la vie.

Tharcisse et Chantal essaient de reconstruire la vie de leur famille. Pourtant, des souvenirs douloureux et une haine persistante envers les Tutsis rendent la vie au Rwanda trop difficile. Le 18 mars 2003, la famille Seminega immigre au Canada. Leur fille aînée Marie et deux de leurs enfants adoptifs ne les accompagnent pas.

Il sera toujours difficile pour Tharcisse de se rappeler les atrocités inconcevables du génocide rwandais. En écrivant son livre il donne un puissant témoignage oculaire du véritable amour plein d’abnégation qui s’est manifesté au milieu d’une brutalité impensable. Tharcisse pense que ce que lui et sa famille ont vécu prouve que ce genre d'amour peut transformer des gens ordinaires en héros courageux.

Aujourd'hui, Tharcisse et Chantal se sentent obligés de partager leur histoire personnelle de survie, surtout avec les étudiants. Au moyen de séminaires éducatifs et d’interviews, ils enseignent les leçons qu'ils ont apprises sur des qualités telles que l'amour et le pardon.

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